• Le métro de mon enfance.

    Toutes photos du 06 mars 2016 © Loqman
    Images cliquables 

    La station Trinité d’Estienne d’Orves fait peau neuve. Elle se dépouille de l’habillage en tôle posé dans les années 60, qui masquait ses murs faïencés.

    Des avis, des rappels au règlement, des réclames réapparaissent au grand jour.

     

    Le métro. 

                     Alors je remonte le temps, je prends le métro pour la station « Souvenirs d’enfance »  

                     Je retrouve l'odeur sèche de poussières métalliques du métro, en ce temps là il ne sentait pas la pisse ni les frittes de Mc Do. Je revois les paillettes de silex sur les marches des escaliers pour les rendre antidérapantes, qui brillaient comme des étoiles les jours de pluie. Je reconnais le poinçonneur à la mine triste assis dans sa drôle de petite boîte, il faisait un petit trou dans le billet que je lui tendais fièrement. "Ne le perd surtout pas" me disait ma mère.

    Le métro.

                Comme je rêvais d’avoir la casquette et la pince à faire "des p’tits trous" du poinçonneur.   S’il m’avait donné sa pince, j’aurai bien fait des trous dans les marches des escaliers du métro pour voir ce qui se cachait derrière les étoiles des jours mouillés.

    Le métro.

               L’attente du train sur le quai était souvent distraite par une barre de chocolat "Cémoi" tirée d'un distributeur en échange d'une piécette. Elle était enveloppée dans une image représentant un animal. Je sautais dans la fourrure de l’ours, je chevauchais les girafes, l’éléphant me faisait un peu peur... Mes animaux préférés étaient les lions, les tigres et surtout la panthère noire qui me rappelait tant mon chat noir qui m’attendait sagement à la maison, lui le gardien de mes secrets.

    Le métro.

                    Enfin arrivait dans un grand bruit vert et rouge le métro. Le conducteur impassible derrière sa vitre ressemblait à mon petit pantin en bois. (Pinocchio ?)

                  Les portes s’ouvraient avec un chuintement profond, on m’apprenait à me ranger sur le bord du quai, à l’écart des portes pour que les voyageurs puissent descendre aisément, puis nous montions dans le wagon. Le meilleur wagon était celui de tête, là je pouvais observer le Monsieur qui fermait les portes. Il se tenait à la première porte juste derrière le conducteur, il la gardait ouverte, puis, il se penchait dehors pour voir si tout le monde était bien monté. Enfin, il appuyait sur un bouton.
    Un autre chuintement et toutes les portes se refermaient avec le claquement sec des loquets d’ouverture qui retombaient dans leurs logements métalliques. Alors seulement il fermait sa porte à lui et le métro s’ébranlait au bruit d’un timbre sonore. Ding !... Des fois, le métro était déjà engagé dans le tunnel avant qu’il ne referme sa porte. Il existait des hommes téméraires en ce temps là !

    Le métro.

                Nous étions assis sur des banquettes en bois. Il y en avait de deux sortes: Celles formées par des petites tasseaux parallèles comme les bancs publics dans les jardins et d’autres toutes lisses, toutes brillantes. C’était des toboggans magnifiques, mais il m’était interdit d’y glisser. Une petite gesticulation discrète sur les fesses me permettait de mesurer ce de quoi on me privait.  Les tunnels noirs étaient ponctués de petites ampoules qui donnaient des halos jaunes en guirlandes, des affiches posées à intervalle régulier vantaient une marque d’apéritif : « Dubo – Dobon – Dubonnet » Je m’amusais à les compter.

    Le métro.

                 Il arrivait qu’on me dise : « Laisse ta place à la dame » et là, je devais me lever. Je détestais cela, car inévitablement on allait me parler: "Comme il est bien élevé, madame. Quel âge as-tu mon petit ?" "Il est timide, répondait ma mère ! Allons, répond quand on te parle…" Le pire était les dames qui insistaient pour me faire parler: "Quel est ton prénom mon enfant ? ..." Il est arrivé que face à mon mutisme j'ai eu droit à une caresse sur la joue de la part d'une dame. L’horreur ! D’un revers de main, j’ai essuyé ma joue et détourné la tête. Ma mère s'est confondue en excuses et la dame a révisé son jugement sur la jeunesse et l'avenir de la France. "De la graine de bagnard tout ça, j'vous l'dit !!!"

    Le métro de mon enfance.

                Moi, je voulais seulement glisser sur la banquette et disparaître dans le tunnel pour compter mes petits bonhommes Dubonnet. Cette réclame marchait par trois. Une affiche pour Dubo, le bonhomme tendait son verre, seul son bras et sa tête étaient noir. La seconde affiche disait Dubon: Le petit personnage buvait son verre et il était noir jusqu’à la taille. Dernière affiche: Dubonnet, le bonhomme finissait de vider la bouteille dans son verre et il était tout noir.

    Ligues anti-quelque chose, qui veulent nous mouler à votre louche vision du libre arbitre où étiez-vous ?

    Le métro.

                  Mais bientôt la station suivante arrivait et on oubliait de me torturer pour me recommander de me mettre dans un coin afin ne pas gêner, de me tenir à la barre... Le ballet des voyageurs, les affiches colorées des réclames sur les murs blancs, tout cela me faisait oublier mes tracas...

    Le métro.

                     Le bas des pages de journaux traînaient à la hauteur de ma tête,  j'emplissaient mon nez de l’odeur grasse des encres. Un vrai régal ! Il arrivait de temps en temps, que j’ai le plaisir d’entendre le métro faire un bruit bien particulier avant de reprendre sa route. J'adorais ce bruit. C’était une espèce de renâclement, un enrouement, comme s’il avait un chat dans sa gorge de métro. Plus tard, j’ai compris que c’était le bruit des compresseurs pour l’air comprimé destiné à actionner les portes et une partie de mon enfance s'est envolée poussée par de l'air con primé.   

                  Le soir, dans le coton de la nuit, lové entre les pattes de mon chat-panthère noire, je lui racontais mes aventures souterraines de métro... Comment le poinçonneur m'avait donné sa pince, comment j'avais fait des p'tits trous dans la dame et comment je l'avait enfermée dans les oubliettes de mon château...

    Il aimait bien çà, il ronronnait…

    Le métro.

    Tous les personnages de ce conte sont imaginaires sauf le chat-panthère noire et la pince à poinçonner 

    « Féminisation à tout crin(e).Marions-les. »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 9 Mars 2016 à 07:35
    danièle nguyen

    Toujours fascinant le métro, d'avant et de maintenant ;-)  De belles trouvailles qu'il ne fallait pas manquer d'immortaliser que ces affiches !

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:21

        Ces affiches sont de vraies stars en ce moment, vu le nombre de photographes qui les immortalisent.

    2
    Mercredi 9 Mars 2016 à 08:39

    C'est toujours surprenant, voire amusant de retrouver ces vestiges du passé, bien vu !

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:22

        Jouer aux archéologues le temps d'une pause...

    3
    Mercredi 9 Mars 2016 à 09:00

    Jean-Pierre dans le métro...

    Il n'aimait pas que Martine (revenu de la ferme ou de la mer..ou de Lille) lui tapote la joue.

    Comme je te comprends !

    Bel article : Tu étais un doux rêveur, n'est-ce pas ?

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:30

        Martine se radicalise, je me laisse pas tripoter par des radicaux bad

        Rêveur sans aucun doute.

    4
    Mercredi 9 Mars 2016 à 09:09

    On n'imagine pas toujours (voir jamais) la vie de ces affiches à multi couches. Certaines se confondent presque avec la pierre.

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:34

        Les affiches, en ce moment, sont souvent déchirées par les SDF, ce qui permet des lectures de plusieurs strates. Mais ce sont toujours des "passés" récents qui apparaissent. Là, c'est un bon de 50 ans en arrière que nous faisons.

    5
    Mercredi 9 Mars 2016 à 10:14

    Une belle évocation de l'enfance, avec tous ces petits détails engrangés dans un coin de la mémoire, qui ressurgissent lorsque le décor les fait revivre...

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:37

        Mes souvenirs d'enfants sont toujours présents dans ma tête, Ils m'aident souvent à voir le monde de manière assez ludique. 

    6
    Mercredi 9 Mars 2016 à 16:14
    nays&

    une très chouette " tranche de vie " même si elle est imaginée sauf pour le chat
    j'y ai retrouvé de réels souvenirs...

    bonne fin de journée *

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:38

        J'en suis très heureux.

    7
    Mercredi 9 Mars 2016 à 17:05

    Du bon ,du bon ,du bon du bon,Dubonnet

    C'est le quinquinat parfait...

    Moi ,semi-campagnard,cest l'odeur des locomotives à vapeur qui me reste

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:49

        La loco. Enfant, j'allais l'été dans un coin perdu de Savoie. Mes parents parfois m'y laissaient aux soins de ma grand-mère. Il y avait la lettre rituelle à écrire pour rassurer mes géniteurs. La lettre était portée à la gare ou nous attendions le train du soir qui faisait là une courte halte. Sur le flan de la voiture postale on pouvait glisser sa lettre qui arrivait ainsi le lendemain matin à Paris. Ma grand mère me portait et je glissais la missive dans la fente recouverte d'un petit volet. La voiture des postes était placée juste derrière la loco et c'est dans un panache de vapeur que nous officiions... Un autre grand plaisir. 

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 09:29

        c'est vrai...ça j'avais oublié

    8
    Jeudi 10 Mars 2016 à 00:34

    on sent du vécu .. ;)

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 07:52

        Sans aucun doute. yes

    9
    Jeudi 10 Mars 2016 à 13:03

    Un blog parle de ça aussi aujourd'hui, ici
    J'adore ce billet, ses illustrations et bien entendu, surtout, le texte et les souvenirs : merci !
    J'en suis persuadée : notre véritable pays, c'est l'enfance !

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 20:16

        Merci. J'ai eu la chance de garder un pied à terre dans mon pays de l'enfance wink2

    10
    Jeudi 10 Mars 2016 à 18:55

    Des souvenirs qui m'ont rendu nostalgique ! Pourtant , enfant, je détestais le métro, quand je le pouvais, je voyageais sur la plateforme de l'autobus, quitte à me faire pincer les fesses !

      • Jeudi 10 Mars 2016 à 20:21

        Les autobus à plateforme, un autre plaisir... Les yeux bien ajustés entre le bord de la tôle et la main courante, on voyait défiler le monde... Autre plaisir modeste: regarder le receveur tirer la chaîne pour signaler au machiniste qu'il pouvait démarrer ...

    11
    Vendredi 11 Mars 2016 à 10:30

    En fermant les yeux (mais pas facile pour continuer la lecture de ta prose) je m'y voyant à 12 ans.

    Dubon dubon dubonnet, moi aussi je les comptais....... hihihi

    Merci pour ce petit moment de nostalgie

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